Notre pays est un des plus dépensiers dans le secteur des maisons de repos, pointe la Commission européenne. Un constat européen que des réalités culturelles viennent nuancer.
Les chiffres au niveau européen
Parmi les coûts qui grèvent le budget belge des soins de santé, la Commission européenne pointe à nouveau la prise en charge des personnes âgées, et plus particulièrement les institutions de soins de longue durée. La Belgique est ainsi le quatrième pays de l’Union européenne le plus dépensier en la matière et cela ne devrait pas s’améliorer : d’ici 2030, les dépenses dans le domaine devraient encore croître de 14 %.
Les données du centre fédéral d’expertises en soins de santé KCE sur lesquelles se base la Commission montrent en effet un différentiel important entre notre pays et ses voisins : 8,5 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivent en structure de soins résidentielle en Belgique, contre 5,1 % qui reçoivent des soins infirmiers à domicile. En Europe, ils ne sont que 4,3 % à vivre en maison de repos tandis que 8,7 % des plus de 65 ans bénéficient de soins à domicile.
« Il est intéressant de noter l’importante variabilité géographique en matière de recours aux soins infirmiers résidentiels et à domicile en Belgique », relève en outre le rapport du KCE datant de 2019. « Par rapport à la Flandre et à la Wallonie, la Région de Bruxelles-Capitale présente un pourcentage plus élevé de personnes âgées vivant en structure résidentielle (10,3 % à Bruxelles contre 9,0 % en Wallonie et 8,0 % en Flandre) et le pourcentage le plus faible de soins infirmiers à domicile (3,3 %), avec les provinces de Liège et du Luxembourg. »
La Commission relève encore que l’entrée en maison de repos est prématurée pour près d’un pensionnaire sur quatre et recommande d’améliorer les services de prise en charge à domicile pour les personnes encore peu dépendantes. Dans un souci, précise le rapport européen, de soutenabilité des finances publiques. Dit autrement, la Belgique est invitée à s’interroger sur l’efficacité des coûts du système actuel, largement dépendant des institutions, à mettre en regard du développement d’une offre de soins et services à domicile pour les aînés.
Ne pas transformer la maison de repos en hôpital
A Bruxelles, au sein du cabinet du ministre régional de la Santé Alain Maron (Ecolo), on confirme la présence importante de personnes peu dépendantes au sein des maisons de repos mais on la nuance : « Selon l’Observatoire de la Santé et du Social, ce n’est pas toujours une question de besoins liés à l’âge, mais parfois une question de solitude, voire de difficultés liées à l’accès au logement. La problématique est donc complexe. Pour y remédier, nous avons lancé le concept de “garantie autonomie” qui comprend une série de mesures de soutien au secteur des soins à domicile, principalement les aides familiales, principal levier d’action régional dans une matière qui dépend essentiellement du fédéral. »
L’institutionnalisation de la prise en charge des seniors est une réalité qu’on ne feint plus d’ignorer en Wallonie. La crise du covid n’a eu de cesse de révéler les failles du secteur et la nécessité de développer les soins à domicile pour permettre aux seniors qui le souhaitent de rester le plus longtemps possible chez eux.
« Plus de 20 millions d’euros ont été débloqués pour accroître les capacités des aides familiales à domicile », explique Stéphanie Wilmet, porte-parole de la ministre wallonne de la Santé Christie Morreale (PS). « Par contre, on ne constate pas vraiment ces arrivées prématurées en institution de soins puisqu’en moyenne en Wallonie, on y entre à l’âge de 82 ans. Les résidents sont de plus en plus dépendants quand ils arrivent et c’est un défi : il faut veiller à ne pas transformer nos résidences en hôpital. La diversité des âges et des profils des pensionnaires est donc un élément important même si ce n’est pas le seul. »
« Pas de culture du vieillissement »
Un point de vue que partage Stéphane Adam, responsable de l’unité de psychologie de la Sénescence à l’ULiège : « N’entrevoir le coût de la prise en charge des personnes âgées que par le biais des institutions de soins est un peu réducteur. Il y a toute une série de leviers sur lesquels on devrait pouvoir agir pour préserver le bien-être des gens tout en préservant les soins de santé. »
Comme celui de la surmédication des seniors « relevée par bon nombre d’études scientifiques ». « Cela a un coût direct pour la sécurité sociale mais aussi un coût caché », précise Stéphane Adam. « Les anxiolytiques par exemple sont administrés plus que de raison aux personnes âgées qui ne sont en réalité que 11 % à souffrir de dépression. Or, ces médicaments ont d’importants effets secondaires notamment sur l’équilibre. Cela entraîne des chutes, des coûts d’hospitalisations importants et puis, une perte d’autonomie qui se traduit in fine par des soins résidentiels. Une étude menée aux Etats-Unis a montré que ces chutes représentaient 70 % du coût des soins de longue durée chez les seniors. »
Pour le professeur de psychologie du vieillissement, « la crise du covid a quelque peu éveillé les consciences sur la nécessité de revoir la prise en charge des personnes âgées à tous les niveaux » : « Mais on manque cruellement de spécialistes, ne fût-ce que des gériatres. Il n’y a pas de culture du vieillissement en Belgique. »
Source : lesoir.be